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P32 - De toutes les choses qu'on peut savoir sur l'utopie...
Acylique sur bois de peuplier et toiles 240 x 225 cmTout savoir sur cette toile
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- 032 - De toutes les choses qu'on peut savoir
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- 1996
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- 1994
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Tout savoir sur cette toile
De omni re scibili…
De utopia…
De Philhelmi monogrammate…
Et quibusdam aliis… !
De toutes les choses qu’on peut savoir…
Sur l’utopie…
Du monogramme de Philhelm…
Et même de plusieurs autres… !
Ou « de l’impossibilité de rendre tout le monde heureux dans un monde utopique ! »
De Homère à Platon, les grands précurseurs de l’utopie dans notre civilisation occidentale, de nombreux humanistes ont cherché en vain à théoriser et/ou à mettre en application le bonheur de tous sur la terre. Raison pour laquelle, tous ont cherché à ramener sur terre, la philosophie platonicienne évoquée dans le « ciel des idées ». En effet la perfection de la création cosmogonique faite par Dieu (s’il existe ?) ne pouvait être que le seul et unique exemple à imiter. Le problème à résoudre est l’ancrage de ces idées dans la réalité. Nous savons qu’au Moyen-âge tout est parti de la Renaissance italienne et s’est propagé à grande vitesse dans toute l’Europe. Nos sommes au XVIème siècle , on revient aux anciens et l’on commence à penser autrement : c’est la naissance de l‘humanisme !
A Londres, le 6 février 1477, naît Thomas More. Il deviendra un grand admirateur de Jean Pic de la Mirandole, dont il rédigera la biographie. Il est également le contemporain et l’ami d’Erasme de Rotterdam. C’est lors d’un séjour à Londres, dans la maison de Thomas More, dont il était l‘invité, qu’il écrivit son célèbre livre « l’éloge de la folie ». Thomas More souhaite absolument en écrire la suite, à savoir, la contrepartie de la sagesse. Nos deux amis restent en relation épistolaire et pour cela correspondent en latin. Ils conviennent finalement que cette sagesse en question n’existe nulle part.( soit « nusquam » en latin.) Thomas commence à rédiger son ouvrage « Nusquama » en utilisant peu à peu des fables, et parce que ce pays de sagesse n’est nulle part, il décide d’en inventer un avec des personnages imaginaires, il invente des noms qu’il puise dans le latin et le grec. Thomas décide que ce sera une île inconnue (en réalité une presqu’île au début !) son nom est Utopia. La capitale s’appellera Amaurota, qui vient d’un mot grec déformé qui veut dire éclipse. Elle est traversée par un fleuve sans eau : l’Anydre. Les pays voisins sont sans contrée : l’Anchorie. Les cités voisines sont sans civilisation : l’Alaopolecie ( il faut, bien entendu, que notre nouveau monde ne soit pas corrompu par la ou les civilisations. C’est pourquoi Utopus, le fondateur, supprime de suite la bande de terre qui relie la presqu’île à la terre. A propos de l’écriture de Thomas More, il change brusquement de langue et continue son ouvrage entièrement en grec. La révélation apparaît avec la traduction définitive de Nusquam en Utopia , mais surtout Thomas rajoute une variante qui consolide définitivement sa recherche, c’est l’ « eutopie », soit « eu + topos » en grec, ( la qualité, le bien + l e lieu) soit : le bon lieu…nul part. Il ne lui restait plus qu’à écrire son ouvrage. C’est ce qu’il fit, alors qu’il était dans les Flandres comme ambassadeur. C’est là-bas qu’il écrivit son célèbre livre « l’Utopie » ou « Que faire pour que tout le monde soit heureux ? ». Son livre paraît deux ans plus tard simultanément à Londres, Paris et Bâle. Pour terminer rapidement avec Thomas More, nous savons qu’il fut trois ans Chancelier du terrible roi Henry VIII, et malgré qu’il lui gardât une fidèle amitié après sa rupture avec le pape, il refusa d’assister à son mariage avec Anne Boleyn. Celui-ci le jeta en prison, et c’est là qu’il écrivit son livre « L’éloge de la sagesse » avant de mourir décapité, un an plus tard, le 16 juillet 1535, sur ordre d’Henry VIII.
Pourquoi rappeler cette histoire ? Parce qu’elle me décida à réaliser ce tableau sur l’utopie.
Entrons dans l’iconothèque du monde utopique : Si l’utopie est le bonheur pour tout le monde, qui mieux que des enfants innocents peuvent le représenter autant ?
I-HAUT DE LA SPHERE / à gauche / plan arrière : « les animaux savants »
On dit que les animaux sont bêtes,…dans la réalité ils sont savants et apprennent, avant le latin, le grec ancien ! Thomas More doit certainement y être pour quelque chose ! Nous remarquons que le bâton du maître s’est arrêté sur la lettre « ? », sa symbolique est on ne peut plus importante, de par sa signification mathématique et géométrique. Ils sont certainement très lettrés puisqu’ils sont les seuls à lire de gros livres. Le sont-ils finalement, puisqu’il semble que les pages ouvertes de l’un d’eux soient totalement blanches ? Par ailleurs, n’oublions pas que ce sont des animaux habillés comme des êtres humains pour que nous ne les considérions plus pour ce qu’ils sont. De plus, les vêtements sont jaunes, cela n’est pas innocent, à double titre, l‘un dans la symbolique de la couleur, l’autre dans l’harmonie comme nous le verrons à chaque ouverture ! Ils filent déjà parfaitement le coton. Nous pouvons déjà révéler qu’à part eux, les seuls qui sont entièrement habillés, sont des hommes que l’on dit fous et qui sont habillés en …ânes ! Quelles pourraient en être les raisons ? Existerait-il un ou plusieurs liens ?
Qui les trouvera de suite ?
II-HAUT DE LA SPHERE / centre / plan arrière : « les astrologues ».
Virtuellement, ils sont les plus élevés de la sphère ! (en réalité ce sont les deux musiciens, qui semblent être à côté, et qui musiquent sur leurs clochetons sur le tranchant d’une porte grande ouverte !) Si les astrologues cherchent la solution de leur problème dans les astres, c’est qu’ils y ont trouvé les principales réponses…Leur présence est de la plus haute importance ! En effet, Platon avait déjà créé sa « cité idéale » dans le ciel dans lequel l’espace était parfaitement circulaire, déployé à partir de son centre ! L’obsession géométrique tirée du cosmos sera la principale source des utopistes. On oppose la perfection du cosmos à l’imperfection de la nature ! On cherchera à dupliquer le cosmos. C’est le rêve d’une société figée, ou tout se répète à l’infini, où tout s’accorde et se ressemble ! Une société heureuse suppose une géométrie invariable. Les utopistes seront donc urbanistes, architectes, ils restructurent, découpent et quadrillent tout. Le ciel des astrologues reflète à une échelle beaucoup plus vaste, le monde humain avec ses passions, ses vicissitudes, ses conflits et ses angoisses. Les astres s’aiment, se haïssent, s’accouplent, se combattent, se poursuivent, s’assiègent, se brûlent réciproquement ! Aussi, tous nos chers astrologues ont-ils, non seulement tous les instruments possibles pour leur tâche sans fin…mais aussi le matériau le plus noble, qui pourrait être l’or ? Pour mieux se rapprocher du cosmos, deux d’entres eux portent le monde en forme de sphère armillaire, à bras portant au-dessus de leurs épaules !
III-HAUT DE LA SPHERE/ à droite/ plan arrière : « les amis de la nature ».
Ce sont des paysans amis de la terre, nous pouvons aussi les appeler « végétaliens »…Aucun bonheur n’est possible sans celui de la terre qui nous nourrit, ce bonheur est bien entendu rationalisé selon des codes précis et rigides pour que l’harmonie puisse s’universaliser. L’utopie n’est pas l’amie de la nature, mais elle ne peut s’en passer ! Mais la nature n’a-t-elle pas besoin qu’on la force pour qu’elle puisse nous donner plus qu’elle ne nous donne naturellement ? L’abondance et les résultats semblent être au rendez-vous ! Ici nos paysans sont manifestement les autochtones d’un pays éloigné pour les uns, forcément proche pour d’autres…mais ne sommes-nous pas « nul part » ? Nul n’est besoin de se confondre pour voir combien centenaire, millénaire reste le laborieux travail de la terre ? Vous avez remarqué que le dessus des volets extérieurs a été utilisé pour les cultures, que le champ de blé est ceinturé de plessis, pour que le blé puisse pousser volet fermé et que tous les autres végétaux sont en pots : ainsi le jardin d’hiver pourrait très bien être à l’intérieur ! Bien entendu, nos amis sont sept comme chaque fois que cela est possible. En manquerait-il que les absents compléteraient toujours cette rigoureuse mathématique. Seraient-ils plus nombreux ? La logique viendrait l’expliquer pour les retrouver dans un multiple, absents compris, pour que l’artiste ne puisse perdre la face. Dois-je rappeler que la couleur principale du blé est jaune, sa proportion doit être suffisante pour s’identifier aux autres ouvertures toutes éclairées à l’intérieur, donc jaunes !
IV-HAUT DE LA SPHERE / à droite/ plan avant : « les animaux et leurs amis » ;
Dans la réalité, nous sommes exactement sur le même plan que les trois précédents et les deux suivants ! Observons d’abord les animaux sur le dessus du volet : ils se comportent exactement comme des hommes, ils font manifestement la course et l’un d’entre eux, le singe à longue queue ou cercopithèque, pourrait avoir donné le signal de départ et contrôler l’arrivée…En bon ordonnateurs utopiens, tous les animaux de la nature sont consciencieusement parqués à l’intérieur. Une arche de Noé ne serait pas différente ? Tous regardent vers l’extérieur, comme si rien ne devait se passer au-dedans ! En mémoire de vieux contes germaniques anciens, certains sont perchés les uns sur les autres…Seuls deux animaux déambulent sur les passerelles circulaires : le lion, roi des animaux qui représente le monde terrestre sec et le crocodile, seigneur des eaux douces continentales donc humides. Le premier est monté par le roitelet des enfants qui tient le monogramme de Philhelm dans sa main gauche, sur le second se tient en équilibre la petite reine, dont le drap blanc en forme de croissant couché doit avoir un sens subliminal, si ce n’est qu’un vulgaire artifice ? Remarquons que tous deux sont de sang mêlé, fusion de notre civilisation cosmopolite !
V-HAUT DE LA SPHERE / milieu / plan central : « les protecteurs de la cité ».
Que viennent-ils faire dans un monde utopique où seule la paix régit la vie de la société ? Ils sont les défenseurs de notre société, violemment attaquée de l’intérieur et de l’extérieur…Sparte et Athènes à la fois, le trésor philosophique est à l’intérieur et il faut le protéger contre toutes les agressions quelles qu’elles soient, physiques ou culturelles ! Nous pouvons considérer leur importance stratégique par rapport à leur emplacement et leur nombre, prisonniers compris. Sur la passerelle de part et d’autre, des sentinelles, ce qui est un comble dans une cité utopique ? Mais n’est-on jamais assez prudent ? Toutes les philosophies utopiques n’ont-elles pas toujours été excessives ? N’ont-elles pas toujours coupé les ponts vers l’extérieur pour ne pas être contaminé ? Le ver n’est-il pas souvent dans l’œuf ? La sentinelle de gauche serait-elle séduite par la musique ? Celles de droite, s’inquiéteraient-elles des souverains du monde animal ? Très exactement au milieu de la passerelle, un archet nous empêcherait-il de venir regarder de trop près ? A sa gauche, le porteur du casque nous rappelle le signe de reconnaissance induit dans la signature de l’artiste : qui aime le casque (phil(os) + helm). Qui protégeons-nous vraiment ? L’artiste ou la société ? Optons plutôt pour la philosophie à l’intérieur de la cité. Et ces prisonniers basanés, agenouillés et ligotés un peu plus haut, qui sont-ils ? Lorsque l’on sait que les cités voisines sont sans habitant ? Pourquoi le parachutiste avant l’heure est-il le seul à pouvoir se mouvoir autour du monde utopique ?
La défense doit-elle prévaloir sur le reste ? En effet, aucun autre utopien ne semble transgresser le territoire de l’autre ? Une police du monde serait-elle nécessaire ?
VI – HAUT DE LA SPHERE / à gauche / plan avant : « les amis de la musique ».
S’il existe une harmonie universelle, c’est bien dans la musique que nous pouvons la trouver, puisque celle-ci a toujours existée de par le monde et les âges, aussi loin puissions-nous remonter, nous la retrouvons partout, sous toutes ses formes ! Voilà notre orchestre de musiciens lancés dans une étourdissante et spontanée musique. Dix neuf d’entre eux sont visibles, ils ont envahi tous les espaces de leur territoire, comme s’ils voulaient être entendus et vus de tout le monde existant. Regardons-les de près, ils méritent de nous surprendre et d’être surpris : Chacun a sa gestuelle et son instrument, tous font intimement partie du passé…S’ils existent aujourd’hui, c’est dans un esprit, un geste et une musique toutes autres ! Les accompagnements des instruments à soufflet qui sont à l’intérieur devraient donner suffisamment de force et de cohérence à nos impétueux musiciens. Pour qui jouent-ils, pour nous ou pour eux ? Nous les regardons, mais avons-nous seulement essayé de les entendre ? Transcendez votre imagination et un curieux son venu du lointain, bourdonnera à vos oreilles. Heureux ceux qui savent pénétrer les causes secrètes des choses. Bien entendu, si vous n’y arrivez pas c’est que votre harmonie est peut-être ailleurs ? Chacun a la sienne propre.
VII – BAS DE LA SPHERE / à gauche / plan avant : « les violents ».
Manifestement nos amis semblent être en parfaite harmonie avec eux-mêmes et leurs semblables : jusqu’à leurs accessoires et leurs armes qui répondent parfaitement à leur manière de vivre. L’on imagine facilement qu’ils les ont personnalisés avec passion, comme cela s’est toujours fait. Si l’on dit : qui se ressemble s’assemble, nous en voyons ici une application très réaliste. Ces garçons et ces filles sont bien faits pour vivre ensemble, leur mode de vie est ad hoc. Nous devinons qu’à l’intérieur, derrière les lourdes grilles, le climat doit forcément être pesant. Mais cela est forcément le jugement d’un non initié.
VIII – BAS DE LA SPHERE / au milieu / plan avant : « les anthropophages ».
Aucun personnage n’est présent dans les alentours, nous pouvons aisément deviner pourquoi, si leurs réputations ne sont pas surfaites. Regardons-les mieux, comme à l’intérieur d’un grand livre ouvert : (les tranches des pages antérieures et postérieures sont représentées par les lignes du bois naturel bien visibles), plus nous regardons les détails, plus nous frissonnons en découvrant l’horreur de ce monde qui nous est totalement étranger …L’intérieur d’un certain châtelet, où il s’est très certainement toujours passé beaucoup de choses ! Ce qui est bien entendu le cas ici, puisque nous sommes dans l’extrême de ce que nous sommes capables d’accepter. Ce que nous observons dans ce phalanstère est une véritable orgie à laquelle tout le monde encore vivant semble participer. Le bambin présenté sur un plat et dégusté par un anthropophage, est tiré d’une gravure de Hans Holbein le jeune, d’ « Enchiridion » d’Erasme.
Mais nous pouvons assurément nous poser quelques questions comme celles de savoir qui va être le prochain ? Est-il pris de l’intérieur ? Si oui à part celui qui va manifestement bientôt passer de vie à trépas, peut-on présager que ce sera l’innocent petit garçon qui est en train de se désaltérer dans la pièce du fond à droite ? Que peut-on penser du trophée suspendu au-dessus de la table, où il ne reste plus que la peau entière, cheveux compris, est-ce le rappel d’un festin plus sacré que les autres ? Est-il un souvenir lié à l’importance du personnage de son vivant ? Etait-ce un juge corrompu ? Peut-on imaginer plus effrayant ? Certainement oui, si nous vivons dans un monde dont les mœurs barbares nous sont inconnues ou si nous vivons nous-mêmes dans la violence extrême ? Mais n’oublions pas que pour certains, c’était garder la mémoire de leurs ancêtres, pour d’autres, c’était prendre la force de leur ennemi ou ancien chef ? Nous pourrions continuer, mais passons très vite aux suivants, ils méritent notre attention et notre commisération.
IX – BAS DE LA SPHERE / à droite / plan avant : « les handicapés ».
Ce sont les rejetés de notre société, mais souvent le rebut dans d’autres où leur durée de vie est très limitée, pas seulement parce qu’ils n’ont plus de travail, ni de revenus, mais parce que le regard puis le comportement des autres change jusqu’à l’absurdité à leur égard. Notons tout de suite qu’il s’agit uniquement d’handicapés physiques notoires, ce qui veut dire de personnes saines d’esprit, ayant perdu un ou plusieurs membres et de ce fait, ont adapté leur déplacement en fonction de leur handicap. Ce point est important par rapport à des gens souffrants, malades ou difformes de naissance, point de bossu, de pied bot, etc., comme nous en rencontrons souvent dans l’imagerie du Moyen-âge. La seule raison en est une cohérence non seulement graphique, mais également des liens plus forts pour des personnes ayant les mêmes handicaps. Toute l’inspiration de ce groupe provient de deux anciennes gravures représentant des invalides, difformes, culs de jatte ou estropiés, attribués à Hyéronimus Bosch et à Bruegel l’ancien. De nombreux attributs ont été rajoutés, dont on comprendra aisément la signification, même si certains peuvent apparaître a priori inutiles, comme les pseudo parasols ou parachutes métalliques : nous pouvons facilement imaginer d’autres utilisations possibles propres à leurs modes de vie autarcique. Autres rajouts, celui des membres sexuels beaucoup plus longs que la normale, ils se sont naturellement développés pour compenser la perte d’un autre membre, comme la nature sait le faire pour des aveugles, par exemple, en développant des sens existants comme l’audition, le toucher jusqu’à pouvoir reconnaître des couleurs ! Certains attributs ont été simplement modernisés comme les sacs et les gourdes. En ce qui concerne l’entre-aide au sein du groupe, nous constatons qu’elle est on ne peut plus importante : une fillette tombe et tout le monde se porte à son secours, il est vrai que c’est la seule fille du lot, ce qui est autrement important pour nos nouveaux érotomanes !
X – BAS DE LA SPHERE / milieu / plan arrière : « les alcooliques ».
Nos bonhommes sont tombés peu à peu en dépendance, sans s’en rendre compte, comme cela arrive souvent et c’est justement pour ces faiblesses et leurs excès dans l’ivresse que nous les rejetons. Nous considérons qu’ils ne sont plus responsables d’eux-mêmes. Nous ne savons pas si nous devons les considérer comme des faibles ou des malades, sinon les deux ? Nous constatons une étonnante complicité dans l’abandon ainsi qu’une abondance dans les réserves, d’où peut-être le peu d’espoir que nous avons de les récupérer. Bien entendu, toute autre drogue aurait pu servir pour le même exemple. Nos ivrognes sont au plus bas de la sphère. La déchéance peut-elle être plus grande encore ? Nous verrons que oui, si nous continuons la chronologie.
XI – BAS DE LA SPHERE / milieu / plan arrière : « les fous ».
Nous les reconnaissons de suite grâce à leur accoutrement ridicule, mi-lapin, mi-âne, qui permettait aux illettrés d'antan de les reconnaître de suite, essentiellement dans les pays germains. Ils ressemblent furieusement aux plus lettrés de tous, à savoir : les ânes savants. L’histoire a commencé avec des ânes, nous avons découvert qu’ils étaient non seulement habillés en hommes, mais qu’ils étaient également excessivement intelligents. Et voilà des hommes habillés en animaux qu’on veut faire passer pour fous, or nous savons que ce sont eux qui étaient utilisés dans l’imagerie populaire du passé pour nous révéler des fables ou des contes dans lesquels la sagesse n’était jamais absente. Nous remarquons qu’à part celui qui se soulage dans une curieuse et obligée position, les autres sont tous curieux de ce qui se passe au-dessus d’eux.
XII – BAS DE LA SPHERE / gauche / plan arrière / dernier tableau : « les artistes ».
Après les alcooliques et les fous, nous arrivons à la fin avec les perdus de la société, point n’est besoin d’être péjoratif, lorsqu’on cite un artiste, c’est toujours pour le situer en marge de la société. Les trois artistes présents sont suffisamment représentatifs du monde de l’art (avec un petit « a »), pour que nous ayons besoin d’en avoir plus en nombre et en représentation. Si nous remarquons l’authenticité de leur chevalet et « établi », c’est surtout l’impressionnant monogramme rouge en pleine finition sculpturale qui nous retient. Nous distinguons deux lettres PP dont les jambages semblent enchâssés dans des cercles de lunettes, dont les verres auraient été ôtés. Ces mystérieuses lettres représentent le monogramme d’un artiste inconnu du XIII-XIVème siècle, dont on ne connaît que quelques rarissimes gravures de sphères, signées par ce magnifique monogramme, nous ne connaissons que ses initiales, nous ne savons rien de sa vie, sinon qu’il devait être ou myope ou presbyte ? En hommage à son grand art et son profond oubli, son monogramme signe d’une manière flamboyante une nouvelle sphère qu’il n’aurait certainement pas reniée. D’où l’emplacement à la fin du tableau et la taille trois fois plus importante que celle de Philhelm. N’oublions pas la couleur rouge, seule présente sur ce tableau.
REMARQUES GENERALES : En regardant la sphère dans sa globalité, l’on remarque qu’il existe une séparation très nette entre la partie supérieure qui a une connotation, disons, plutôt positive et le bas qui a une tendance carrément négative : il y a confusément deux modes de vies totalement opposées qui s’affrontent, soit l’éloge de la sagesse et l’éloge de la folie ordinaire. En ce qui concerne le support utilisé, à savoir le bois de peuplier, nous remarquons que seules les épaisseurs ou bords de chaque porte, n’ont pas été peintes, laissant apparaître le bois dans sa couleur naturelle. Un unique vernis le recouvre. Mais ce qui mérite d’être remarqué, ce sont les veines apparentes du bois respectant presque rigoureusement la perspective des portes, selon leur position d’ouverture : plus la porte est ouverte, par exemple celle des musiciens, plus les veines sont écartées ; moins elle est ouverte, moins espacées sont les veines en question. Plus inattendus sont les angles de ces portes, avec des veines qui respectent cette fois-ci scrupuleusement la jonction entre les deux côtés de chaque épaisseur de porte. Si la nature par sa beauté originelle, a réussi à supplanter tous les artifices de matières et de formes utilisées par votre artiste, elle le fait néanmoins dans un artefact surprenant qui justifie à elle seule, la création de cette sphère !
DE LA TECHNIQUE : Acrylique sur plusieurs panneaux de bois de peuplier assemblés uniquement par « clipsage » à l’ancienne, s’auto-serrant mutuellement. Sept toiles montées sur châssis et vissées à l’arrière. Personnages peints et découpés sur bois de peuplier et assemblés dans une troisième dimension. Nota bene : l’œuvre entièrement démontable a une largeur de 225 cm et une hauteur de 240 cm pour un poids de 82 kilos.
IN FINE : A propos de la phrase latine en préambule, la première ligne est de Jean Pic de la Mirandole, la seconde de Thomas More, la troisième de Philhelm et la dernière est attribuée à Voltaire. Peut-on imaginer un voisinage aussi prétentieux ?